L’examen du projet de loi d’habilitation pour réformer par ordonnances le Code du travail a débuté le 10 juillet à l’Assemblée nationale. Objectif affiché : donner plus de flexibilité aux entreprises.
Accord de branche et d’entreprise, contrat de travail, prud’hommes, licenciement, CDI de chantier, instances représentatives du personnel… de nombreux sujets sont sur la table.
Si la CFE-CGC « partage les objectifs de renouer avec le développement économique et la création d’emplois de qualité », elle estime que « d’autres voies qu’une énième réforme du Code du travail doivent être explorées ». Partenaire social exigeant et responsable, la CFE-CGC joue le jeu de la concertation, fait des propositions et fixe des lignes rouges.
Mais elle déplore « le grand flou » entourant les réelles intentions du gouvernement, faute de texte tangible sur lequel discuter, contrairement à ce qu’aurait permis une véritable négociation interprofessionnelle.
Décryptage des principales mesures et positions de la CFE-CGC :
Accord de branche et d’entreprise : le texte ouvre la possibilité de définir les conditions où un accord d’entreprise peut déroger à l’accord de branche, y compris dans certains domaines réservés à la branche. Jusqu’alors, cette dernière prédomine dans 6 domaines : salaires minimums, classifications, protection sociale complémentaire, formation, égalité professionnelle hommes- femmes et pénibilité.
La position de la CFE-CGC : le projet de loi va plus loin que la loi El Khomri d’août 2016 et finit d’imposer l’accord d’entreprise comme norme de référence. Pour la CFE-CGC, l’accord de branche doit impérativement primer sur 3 sujets qui sont autant de lignes rouges absolues : – les rémunérations (salaires, primes…) – les classifications professionnelles-la prévoyance.
Contrat de travail : le texte affaiblit le contrat de travail et la capacité de résistance d’un salarié face à un accord collectif d’entreprise moins favorable ou modifiant son contrat de travail. Le projet de loi redéfinit le cadre des motifs de licenciement du salarié sans obligation de reclassement pour l’entreprise.
La position de la CFE-CGC : en l’état actuel du droit, la CFE-CGC s’oppose à la démarche du gouvernement. Sauf dans le cas d’un accord de maintien dans l’emploi (AME) avec un impact temporaire sur le contrat de travail assorti de garanties spécifiques.
Travail temporaire et CDI de chantier : la loi prévoit d’adapter par convention ou accord collectif de branche les dispositions sur les CDD et l’intérim : motifs de recours au CDD, durée, succession sur un même poste ou avec le même salarié… Le gouvernement souhaite par ailleurs favoriser l’utilisation du CDI dit de chantier conclu pour la durée d’un chantier par accord de branche.
La position de la CFE-CGC : le CDI actuel doit rester la forme contractuelle privilégiée pour les salariés. Sur le CDI de chantier, la CFE-CGC est contre sa généralisation car, au-delà des appellations marketing, il existe déjà sous une forme très proche avec le CDD à objet défini.
Conseil des prud’hommes : la loi prévoit la fixation d’un barème obligatoire des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse en fonction notamment de l’ancienneté (sauf dans le cas des licenciements entachés par une faute grave de l’employeur) ; développement du recours à la conciliation prud’homale
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC s’est toujours fermement opposée au plafonnement des indemnités prud’homales qui remet en cause le fondement du droit du travail et fragilise les salariés. En revanche, la CFE-CGC approuve le développement du recours à la conciliation prud’homale.
Licenciement économique : la loi prévoit la modification du périmètre d’appréciation (géographique, sectoriel ?) des difficultés d’un groupe qui souhaite licencier pour motif économique
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC s’oppose à toute tentative de limitation du pouvoir du juge pour apprécier au cas par cas la réalité des difficultés d’une entreprise (groupe, filiale etc.). La CFE-CGC se prononce contre toute réduction du périmètre d’appréciation des difficultés économiques. Seules des difficultés importantes et durables doivent justifier un licenciement pour motifs économiques et cela dans le but d’assurer la pérennité de l’entreprise.
Recours contre les décisions de licenciement : la loi prévoit de réduire la durée du délai de prescription en matière de rupture du contrat de travail ( actuellement de 12 mois).
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC reste hostile à cette mesure, ne voyant toujours pas en quoi la réduction de délai favoriserait la création d’emploi !
Instances représentatives du personnel : la loi prévoit de fusionner dans toutes les entreprises l’ensemble des instances représentatives du personnel (Délégués du Personnel / Comité d’Entreprise / Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) avec la possibilité d’inclure, par accord majoritaire, les délégués syndicaux. Ce ne sont donc plus les délégués syndicaux qui négocieraient les accords mais cette nouvelle instance unique.
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC s’oppose à une fusion des IRP qui, si elle s’impose, doit maintenir les prérogatives respectives de chacune des instances. La CFE-CGC s’oppose à une fusion qui inclurait le délégué syndical au sein d’une instance unique. Le délégué syndical doit rester indépendant avec des compétences et des moyens propres : c’est non discutable.
Gouvernance d’entreprise : le gouvernement ouvre la voie à un renforcement de la gouvernance d’entreprise permettant aux salariés d’être davantage partie prenante dans les organes où s’élaborent les stratégies.
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC rappelle l’impérieuse nécessité d’améliorer la gouvernance d’entreprise et milite pour l’entrée significative de représentants de salariés dans les conseils d’administration des entreprises, quelle que soit leur taille.
Accords majoritaires et référendum d’entreprise : la loi prévoit de faciliter la négociation collective et les conditions de recours à la consultation des salariés pour valider un accord. Le texte modifie les modalités d’appréciation du caractère majoritaire des accords.
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC prône la généralisation des accords majoritaires c’est-à-dire signés par des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise représentant plus de 50 % (au lieu de 30 % actuellement) des suffrages valablement exprimés lors des élections professionnelles, et la suppression de tout recours au référendum.
Télétravail : la loi prévoit de développer le télétravail et le travail à distance.
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC veut accompagner le développement du télétravail et mieux encadrer le dispositif de plus en plus plébiscité par les salariés, notamment les cadres. Sa mise en place nécessite un accord collectif spécifique au sein de l’entreprise et doit être ouvert à tout le personnel si le travail le permet et si le salarié est suffisamment autonome. La CFE-CGC en appelle désormais à l’ouverture d’une négociation nationale interprofession- nelle sur le sujet.
Pénibilité et retraite : la loi prévoit de prédéfinir les métiers exposés à la pénibilité au niveau des branches et de supprimer les seuils de durée et d’intensité d’exposition.
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC est favorable à la définition par les branches des métiers exposés à la pénibilité. Surtout, elle souhaite étendre le système de pénibilité à la réparation des conséquences sur la santé de l’exposition à une forte charge mentale.
Prélèvement de l’impôt à la source : la loi prévoit de décaler d’un an la mise en place du dispositif qui doit théoriquement entrer en vigueur en janvier 2018.
La position de la CFE-CGC : la CFE-CGC est favorable à ce report et réaffirme son opposition de principe au dispositif : risque de fusion avec la CSG, individualisation de l’impôt, confidentialité des informations etc.